La Nausée
L’Adieu aux armes
Les Misérables
So Long, Marianne
Le Rouge et le Noir
Bonjour tristesse
Les Fleurs du mal
Voyage au bout de la nuit
On vit une époque formidable
Le Mépris
La Haine
Voilà une liste non exhaustive des titres que je voulais donner à mon papier, mais hélas, ils sont tous déjà pris.
En mon nom et au nom de nombreuses personnes abattues, je veux ici exprimer mon humeur noire, ma rage, mon mal de vivre, ma mélancolie, et pourtant la poursuite d’un idéal, qui hélas, s’éloigne à une vitesse grand V. Un idéal basé sur le partage, l’amour de l’autre, de la planète, de l’univers, sur l’amour de l’humanité.
Je pense à l’époque où le pavé prenait la place du portable, où le pavé était de grès et non de Charolais bio. Je pense aux copains du 22 mars : Richard Ladmiral, Jean-Pierre Duteuil, Marc Sandberg, au regretté et pourtant bien vivant Dany (le rouge), et à tant d’autres. Je pense à cette effervescence, cette bouffée de bonheur et de révolte qui nous a menés au 13 mai 1968 et à la grève générale.
Je n’oublie pas que le point de départ, ce n’est pas Nanterre. Nanterre, c’est une petite étincelle qui met le feu aux poudres. Les années précédentes, proches, c’est la naissance de la contre-culture, le retour des rapatriés d’Algérie, l’affichage des fachos d’Occident, parmi lesquels Madelin, Devedjian, Longuet. C’est les manifs contre la guerre au Vietnam et le ras-le-bol du grand Charles chez les jeunes. C’est Guy Debord qui nous chatouille les naseaux (entre autres). Même la JOC réclame son besoin d’éducation sexuelle. En 1966, on peut lire « De la misère en milieu étudiant ». Bref, la jeunesse est chaude et n’a pas de portable, mais elle a envie.
La petite étincelle :
Le 21 mars 1967, des étudiants pervers de Nanterre, la braguette ouverte, envahissent le bâtiment administratif des étudiantes, ce qui est interdit. Mon pote Henri, paysan à Cosne-sur-Loire, illustrait ce règlement par : « On peut amener la vache au taureau, mais pas l’inverse ». Le doyen de l’époque, au nom si poétique de Grappin, est la petite étincelle : il appelle les flics et c’est parti, mon kiki. Encore un an d’actions diverses, de droite et de gauche, et c’est le feu d’artifice.
Le 20 mars 1968, des illuminés du comité Vietnam, qui manifestent contre la guerre, sont arrêtés. Le 22 mars, la tour universitaire de la fac, temple du pouvoir interdit aux étudiants, est occupée par une poignée d’entre eux : « Libérez nos camarades, libérez nos camarades ! ». La libération des manifestants arrêtés est refusée, et les autorités, toujours aussi futées, ferment la fac avec les étudiants et d’autres dedans. Là, dans une magnifique allégresse, démarre la création de commissions, 5 ou 6 dont je ne me souviens plus du nom. Grâce aux conneries de l’État, plus rien n’arrêtera le mouvement étudiant, puis ouvrier.
De Gaulle aura le génie de montrer comme nous sommes globalement cons en dissolvant l’Assemblée nationale – ce qui lui réussit – et en remettant de l’essence dans les pompes. La gauche classique et les syndicats avaient déjà montré leur attachement à leur influence, à leurs fauteuils, plutôt qu’au bien-être de la société. Le calme revenu, la morosité revenue, on constate qu’« on a gagné, sauf ce qu’on a perdu ». Et d’une certaine façon, certains d’entre nous vont se désengager pour planter des choux, garder des chèvres, ou ne rien faire.
Aujourd’hui, c’est pour moi l’effarement. Les grands prédateurs sont à l’ouvrage, et nous bêlons.
Le monde est un brasier, les animateurs télé se régalent, bombe atomique ou pas.
Une petite manif par-ci, une réunion par-là, entre gens convaincus, dont Narcisse n’a rien à foutre.
Il est enfin rentré dans l’Histoire. Histoire d’un échec cuisant certes, mais qui le ramène en tête des jeux paraprésidentiels des nuls. Victoire, car il a su transformer un échec en victoire personnelle. Il peut à nouveau se regarder dans le miroir : « Miroir, mon beau miroir, n’est-ce pas que je les ai bien eus ? ». La gauche a fortement réagi : « Ah, mais non, il n’a pas le droit ! », et toc.
À la rubrique natalité, tout n’est pas rose.
Jupiter fait une fausse couche européenne, suivie d’une deuxième législative.
Marine, folle d’espoir au premier tour de ses contractions, fait également une fausse couche au deuxième tour.
Malgré tout, une bonne nouvelle nous parvient dans la rubrique naissance. Il est né, le divin enfant. L’accouchement fut difficile. Jupiter et Marine nous annoncent la naissance de leur dernier garnement – pardon, gouvernement. La garde sera partagée et le parrain républicain est Michel Barnier. « La cohabitation constructive » est née, autrement dit on ne change rien et on continue.
Vous ne connaissez pas Michou ? C’est le grand homme qui a réglé le Brexit. Les experts nous disent qu’il a bien travaillé. Ah bon ? Mais c’est aussi le grand homme qui a plus que participé à transformer le « NON » français au TCE de mai 2005 en « NON, MAIS OUI », nous le mettant bien profond. C’est l’homme qui a pesé de toutes ses forces pour nommer Bruno Retailleau à l’intérieur.
Retailleau, ancien protégé de De Villiers. Il fut opposant au mariage pour tous, anti-IVG, et refuse d’inscrire l’IVG dans la Constitution. Il nous explique que les violences des manifs de juin 2023 étaient dues à la régression vers les origines ethniques des jeunes générations de descendants d’émigrés et regrette « les belles heures de la colonisation ». Lors de son intronisation, il a évoqué la nécessité de corriger ce qu’il appelle « l’esprit des Français ».
Voilà le bonhomme que les serviles de la télé appellent un homme de droite conservateur et libéral.
Les grandes innovations désastreuses de l’anthropocène en France sont les réseaux sociaux, le démantèlement de l’industrie (moins d’ouvriers, qui sont de toute façon un peu chiants), le chômage, les Jeux Olympiques, la télévision, et le développement incontrôlé du numérique…
Quand allons-nous nous réveiller et gueuler tous ensemble : grève générale, une Constituante, vive la 6e ?
Le reste, que ce soit à gauche ou à droite, c’est de la petite politique politicienne. La tâche est rude. Les jeunes, branchés sur « Face de Bouc » et sagement contrôlés, ont l’impression d’agir parce qu’ils ont un smartphone dans la main. Bientôt, ils l’auront dans le cul. Les étudiants de 68, en gros, refusaient de devenir de futurs patrons exploitant leurs employés. Aujourd’hui, avec Parcoursup, système tueur de génie et de passions, tout est fait pour orienter les élèves vers les choix de l’État. Big Brother is watching you.
Nous sommes en train de border le lit de la pensée unique, et à plus ou moins long terme, celui du totalitarisme, du fascisme. Le départ est donné avec la nomination de Retailleau à l’intérieur. La « Manif pour tous » va pouvoir reprendre du poil de la bête avec Garnier, Hetzel, Retailleau…
PS : Besancenot, ta rubrique est super dans Là-bas si j’y suis, mais est-ce suffisant ?
Je vous recommande la lecture de Shelter de Chantal Montellier (1980 ?) et de sa mise à jour Shelter Market (2017 ?).